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Les cartes… à l’endroit ou à l’envers ?

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Voilà un autre débat qui fait rage dans les chaumières… du moins dans celle où on lit le Tarot en préparant la soupe du soir. Il fait rage depuis peu de temps cependant, comparé au grand âge de notre Ami et dans la mesure où les tirages incluant des cartes à l’« envers » sont relativement récents.

Nous allons cependant nous attarder un peu sur le sujet. Au-delà de l’aspect technique de lecture du Tarot, dont il sera bien entendu question ici, qu’est-ce que peut bien signifier « voir » les cartes, et qui plus est, « voir les cartes à l’endroit ou à l’envers » ?

Cerveau et vision

Dans un premier temps, nous allons examiner brièvement notre système de vision. Parce que, après tout, qu’est-ce que c’est « à l’envers » ?

Je suppose que vous le savez tous, mais il peut être utile de le rappeler ; lorsque notre œil perçoit une image, cela suppose que la lumière (le projecteur) qui va conduire cette image jusqu’à notre cerveau va traverser tout d’abord la pupille et le cristallin. Or, pendant le trajet, cette image, confrontée à un autre milieu que l’air (l’humeur vitrée) va se réfracter, s’inverser et s’inscrire sur la rétine (qui joue en quelque sorte le rôle d’un écran de cinéma) à l’envers.

Alors, cela signifie t-il que notre perception de la réalité est « fausse » pour autant ? Et bien non, pas vraiment, elle est simplement adaptée à notre condition d’être humain avec ses propriétés physiques et psychiques. La « réalité » d’une grenouille cependant sera toute différente, mais c’est une autre histoire… Mais le processus de vision ne s’arrête pas là. Cette image projetée sur la rétine va devoir être « interprétée » par le cerveau qui lui, va la restituer dans son sens d’origine.

A telle enseigne que des expériences ont été faites par des chercheurs américains. Ils ont fait porter à des volontaires des lunettes qui inversaient les images. Au début, ces personnes voyaient « à l’envers », puis, au bout d’une semaine environ, elles ont commencé à voir de nouveau à l’endroit. Quand elles ont été habituées à revoir à l’endroit on leur a enlevé les lunettes : elles ont à nouveau vu à l’envers pendant encore environ une semaine. Le cerveau a mis une huitaine de jours pour rétablir la situation, mais il l’a fait à chaque fois.

Cerveau et perceptions

Le processus de vision nous permet donc, en quelque sorte, de relier le monde extérieur avec la représentation intérieure que nous nous en faisons. Et pour ce faire, le cerveau a des temps de réaction très variables.

Un signal émotionnel inconscient est transmis par nos sens via une plaque tournante que l’on appelle le thalamus à des centres nerveux particuliers du cerveau (les centres amygdaliens) qui sont responsables des réactions de peur, de colère et de déclenchement d’émotions, et des réactions physiologiques correspondantes notamment de sauvegarde de l’individu. Et ce signal est de l’ordre de l’instantané.

Au contraire une réaction logique et sensée de la pensée n’est possible qu’au bout de quelques secondes, par transmission au cortex préfrontal et frontal.

Il est donc normal qu’en matière de perception notre cerveau ait d’abord une perception immédiate instantanée d’ordre affectif, et que par la suite seulement, il puisse analyser et interpréter logiquement les sensations.

Et les cartes dans tout ça ?

Au vu de ce qui précède, il est assez aisé de comprendre que, lors d’une lecture de Tarot, c’est tout d’abord, endroit comme envers, notre monde émotionnel qui va d’abord être sollicité. En tout premier lieu, la vision des cartes disposées sur la table va venir interpeller nos affects, nos sentiments, nos réactions d’ordre « primitives » et instinctives. C’est vraisemblablement au moment précis où les cartes sont mises en visibilité que le tarologue pourra faire appel à ce qui est de l’ordre de l’« intuitif ». Certains parleront de « flashs », d’autres de « visions » mais peut importe le vocabulaire finalement… C’est également à ce moment là que le consultant va recevoir le jeu et se placer dans un état émotionnel particulier qui sera propre à ce qu’il est à l’instant « T » de cette consultation.

Ce n’est que dans un second temps qu’un deuxième niveau, plus logique et plus « rationnel » va se mettre en place… pour l’un comme pour l’autre. C’est le niveau de l’« interprétation » ou de la lecture proprement dite.

Il n’est pas inutile d’insister sur la responsabilité qui est celle du tarologue : le consultant étant plongé instantanément dans un monde d’affects qu’il maîtrise plus ou moins bien selon son vécu personnel, il est impératif d’en tenir compte avant d’ouvrir la bouche !

Les partisans du « tout à l’endroit »

Ils sont très nombreux comme moi, peut être bien majoritaires. Pour eux, le Tarot est un livre et, comme tout livre, se lit à l’endroit. Faire autrement serait de l’ordre du sacrilège en quelque sorte. Pour d’autres, mais ils ne l’avoueront pas tous, la vision d’un jeu retourné leur procure une sensation de malaise dans laquelle ils ne peuvent pas se projeter.

Cette sensation peut évidemment être commune au tarologue et au consultant, c’est pourquoi un tarologue qui utilise la méthode endroit/envers auprès d’un consultant qui visionne le jeu (les consultations par téléphone ne présentent bien entendu pas le même risque) devra redoubler de prudence et de bienveillance dans son interprétation des cartes inversées.

Dans le cas d’une consultation « tout endroit », c’est bien évidemment le positionnement des cartes les unes par rapport aux autres qui devra déterminer où sont situés les faiblesses et axes d’améliorations potentiels. Sinon, cela reviendrait à dire que certaines cartes sont bénéfiques et d’autres nuisibles : « oh la jolie Tempérance, oh le vilain Diable ! » Nous tombons là dans une vision très « cartomancienne » du Tarot qui ne nous permet pas d’en approcher la véritable nature, beaucoup moins manichéenne que cela, du moins à mon humble avis.

Ainsi sortir une Maison-Dieu si l’on envisage d’acheter une maison est plutôt sympathique ; voir arriver un Hermite si l’on est un futur ou jeune retraité ne nous condamne pas pour autant à un cycle de 9 ans de galère et de solitude ; a contrario, découvrir une Etoile ne nous promet pas systématiquement la bonne combinaison au prochain Euro-million…

Pour finir, le « tout endroit » se justifie pleinement pour moi, lorsque l’on utilise une convention de tirage qui intègre le « pour » et le « contre ». Par exemple, le fameux « tirage en croix » qui indique que la carte en position n° 2 est celle qu’il faudra consulter si l’on souhaite examiner les faiblesses ou obstacles liés à la question posée par le consultant (cf. méthodes de tirage). Pourtant, certains, peut-être avides de complexités de l’esprit, procède à ce fameux tirage avec des cartes à l’endroit et à l’envers. En position n° 1, qui est celle du potentiel et des atouts de la question posée, ils vont donc pouvoir trouver une carte dont l’énergie est en position de faiblesse. Personnellement, je n’adhère pas, mais bon encore une fois, à chacun de trouver « sa » Vérité…

Les partisans du « endroit/envers »

Un des adeptes les plus connus des cartes « endroit/envers » est Alexandro Jodorowsky.

Avant d’aller plus loin sur le sujet, il faut bien comprendre que les différentes énergies d’une carte sont toutes bonnes. A l’envers, ces énergies se déversent simplement d’une manière différente ou sur un objet différent, qu’elles ne le feraient à l’endroit. Pour autant, une carte à l’envers, peut parfois refléter les difficultés vécues par le consultant dans une situation donnée. Mais à quoi servirait une consultation qui laisserait repartir une personne avec : « c’est difficile, c’est comme ça… préparez vous à serrer les dents pour une paire d’années parce que ce n’est pas prêt de s’arranger… » ? Dois-je encore rappeler que l’avenir n’existe pas et qu’il nous reste à l’inventer ?

Alors, finalement, envers ou endroit ?

C’est finalement une histoire de « feeling » personnel. Personnellement, j’use des deux options selon des critères qui relèvent plus du « doigt mouillé » (celui que l’on lève d’une manière très scientifique pour déterminer d’où vient le vent !) que d’une conviction inébranlable. Tout ce qu’il faut retenir, c’est l’esprit du Tarot. Là où celui-ci prend tout son sens, en replaçant l’homme dans son présent et en l’invitant à revisiter son histoire à la lumière des images mises en visibilité sur la table. Non seulement rien n’est définitif mais encore pouvons nous dégager des pistes de réflexions et d’amélioration de la situation donnée. Effectivement, certains événements ne dépendent pas exclusivement de nous. Mais du moins sommes-nous responsables de la manière dont nous y faisons face. Cela peut paraître bien maigre comme marge de liberté, mais en y réfléchissant bien, l’ampleur de la tâche est largement suffisante pour occuper toute une vie…

Pour conclure, je dirais que dans la vie, à l’instar d’un couple réussi, ce qui fait la densité et la solidité de ce que nous vivons, ce n’est pas la quantité d’amour ou de passion investis au départ d’une action, mais la volonté et l’engagement de faire progresser les choses sur la durée et malgré les inévitables obstacles. En cela, le Tarot peut nous aider à nous orienter mais certainement pas agir à notre place.

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