
L’Enfant intérieur : la part vivante et intemporelle en chacun de nous
Le concept d’enfant intérieur nous vient de la psychanalyse, notamment des travaux de Carl Gustav Jung. Selon le contexte, son interprétation varie, mais il désigne cette part enfantine toujours présente en nous, même à l’âge adulte.
C’est elle qui nous pousse à nous émerveiller devant la beauté du monde, mais aussi celle qui réagit parfois avec impulsivité, sans laisser la raison intervenir.
Le collaborateur et anthropologue Paul Radin, proche de Jung, évoquait déjà ce principe à travers le mythe universel du fripon — figure présente dans toutes les cultures. Ce « petit malin » ou esprit farceur incarne la dualité humaine : il chuchote à notre oreille la voie facile et plaisante, tandis qu’un autre murmure nous invite à la sagesse et à la responsabilité.
« Peu de mythes, écrivait Radin, ont traversé le temps avec autant de force et de constance. Le mythe du Fripon révèle un thème profondément ancré dans l’humanité : cette tension entre innocence, ruse et quête de sens. »
Mais au-delà des analyses, certaines évocations poétiques traduisent avec justesse ce que l’intellect peine parfois à exprimer.
Le chercheur René Barbier en offre une vision d’une rare beauté :
« C’est un enfant qui prend le jour pour en faire sa cabane de feuillage.
Il arrive à l’horizon de la mémoire sans aucun bruit, sans aucune page.
Il n’a rien à nous dire, il est la Présence même… »
Chaque mot de ce texte résonne comme une clé symbolique.
L’enfant « prend », tout simplement. Il ne calcule pas, ne juge pas, ne prévoit rien. Il s’approprie la lumière du jour pour en faire un jeu, une création éphémère mais pleine de vie. Sa cabane de feuillage, fragile et naturelle, devient le royaume de son imaginaire.
Dans cette image, l’enfant intérieur ne parle pas : il est.
Il surgit « sans aucune page », comme un souffle de mémoire sans contenu précis, un écho d’une enfance toujours vivante. Il ne cherche pas à expliquer, mais à faire ressentir.
L’enfant intérieur porte l’innocence de celui qui ignore encore les règles du monde
Innocence parfois cruelle, mais aussi, rires éclatants sans conscience du mal. C’est celui qui « habite encore le paradis perdu », avant la morsure du fruit de la connaissance.
Cette figure représente aussi l’espoir, cette énergie circulaire et vivante, « arrondie comme le monde ». L’enfant intérieur roule, avance, explore sans chercher à accumuler. Il s’émerveille du chemin plus que du but.
Ainsi, comme un archétype universel, il vit en chaque être humain.
C’est lui qui inspire le poète Paul Éluard lorsqu’il écrit :
« La terre est bleue comme une orange. »
Cette présence enfantine fait partie intégrante de notre être, telle l’ADN inscrit dans chacune de nos cellules — une « hélice de vie », symbole d’union entre nos polarités : le masculin et le féminin, la force et la tendresse, le conscient et le rêve.
L’enfant intérieur est aussi l’enfant-roi : souverain du moment présent.
Il ne se soucie ni du passé ni du futur ; il vit dans l’instant absolu. Ce bref éclat où nous le rencontrons nous relie à une existence plus vaste, plus vibrante :
« Avec lui, fulgurante, l’existence est royauté. »
Cependant, certains cherchent à prolonger ce moment sans fin. Refusant de grandir, ils errent entre deux mondes : ni pleinement enfants, ni vraiment adultes — comme les figures du syndrome de Peter Pan ou du film Tanguy. Ces caricatures nous rappellent combien l’équilibre est subtil entre spontanéité et maturité.
Et si, dans les contes, l’Ogre symbolisait cette force nécessaire qui « dévore » l’enfant en nous pour permettre à l’adulte d’émerger ?
Peut-être n’est-il pas seulement destructeur, mais initiateur : celui qui nous oblige à traverser nos peurs pour renaître à une autre forme de conscience.
Interprétation symbolique
L’enfant intérieur n’est pas qu’un souvenir d’enfance.
Il est une énergie vivante, un souffle poétique, un espace sacré de créativité et d’émotions.
Le rencontrer, c’est renouer avec notre vitalité, notre joie spontanée, mais aussi accepter nos blessures et notre vulnérabilité.
Il est, à la fois, la source de notre humanité et la clé de notre individuation.
OCT
2025
