Nombre de choses (vraies, fausses et supposées) ont été écrites sur l’histoire des Tarots. Ce cours aborde certaines affirmations récurrentes sur le Tarot qui peuvent passer pour des vérités historiques, mais que rien en l’état actuel des choses ne permet véritablement d’étayer. Cela ne signifie pas que l’histoire du Tarot se doit d’écarter toute supposition ou affirmation sans fondement. Les mythes et les traditions sont l’expression de l’âme humaine et de la créativité. Ces mythes nous en disent longs sur le cheminement humain face à la puissance évocatrice du Tarot. Ils expriment une vérité intérieure qui relève parfois plus d’une croyance personnelle que d’une réalité tangible. Cependant, l’histoire et le mythe ont tous deux à pâtir d’un manque de précision.
Les informations fournies ici correspondent principalement aux conclusions récemment élaborées par les historiens du Tarot à partir de l’étude des documents écrits et des cartes qui nous sont parvenus. Bien que les écrits constituent notre lien le plus fiable avec les siècles passés, ils ne rendent pas compte de l’intégralité des actes ou des pensées des hommes, en particulier avec cette facette de la culture populaire qu’est le Tarot.
LE DASAVATARA
Tout commence par un jeu nommé le Dasavatara, jeu de cartes divinatoire des Indes datant de 3000 ans, transporté de l’Inde jusqu’au cœur de l’Europe par les gitans entre l’an 900 à 1000.
CARTES DU DASAVATARA
ABBE SUGER
C’est au milieu du XIIe siècle qu’un groupe de bénédictins dirigés par l’Abbé Suger (1080 – 1151) aurait agi secrètement dans le scriptorium de la basilique Saint-Denis et aurait travaillé sur la construction du Tarot de Marseille en y incluant un grand nombre de codes secrets. Suite aux multiples recherches, l’Abbé Suger serait le fondateur du 1er Tarot de Marseille repris en 1760 par Nicolas Conver.
LES NAÏBIS
Par la suite, c’est en Italie à Florence, qu’apparaît en 1375 un jeu de cartes, sous le nom de NAÏBI. Il se diffusera dans toute l’Europe occidentale dès la fin du XIVe siècle.
En 1377, nous avons dans les archives de la ville de Viterbe, entre Rome et Florence, la première édition réglementant ou interdisant les jeux de hasard et d’argent, où les naïbis sont cités. C’est le début d’une longue liste d’interdictions.
TAROT PRINCIER DES VISCONTI
Le premier Tarot presque entier (74 cartes sur 78) est le Tarot princier des Visconti-Sforza daté du début du XVe, vers 1420/25. Il s’agit du « Pierpont Morgan Bergame », probablement peint par Bonifacio Bembo. De ces tarots princiers, il nous reste 239 cartes issues de 11 paquets différents. Ils sont de grande taille, en carton épais et enluminé à la main.
TAROT PRINCIER DES VISCONTI-SFORZA
Le jeu de Tarot rencontre un succès foudroyant dans les couches populaires en tant que jeu d’argent et rapidement fait tache d’huile.
Un grand nombre de jeux de Tarots de cette époque ont servi autant pour des jeux d’argent que pour la divination.
CHARLES VI
Le Tarot dit « Charles VI », Italie du Nord, fait son apparition vers la fin du XVe siècle. Ce Tarot dont il ne subsiste que 17 cartes, fut faussement attribué à Charles VI à partir d’une note de 1392 de Charles Poupart mentionnant un certain Jacquemin Gringonneur.
Le jeu de Tarot est cité pour la première fois, semble-t-il, à Ferrare en Italie, en 1442, sous l’expression carte da trionfi (triomphes). Vers 1500, le terme tarocchi apparaît dans un livre de comptes de la cour de Ferrare. La transcription française « Tarot » se rencontre dans un document daté de 1505.
TAROT DE CHARLES VI
C’est de Milan que ce Tarot se propagea en France, en Suisse, puis de là, en Allemagne et dans le reste de l’Europe.
L’INQUISITION
A savoir que beaucoup de documents ont été complètement détruits à cause de l’Inquisition et de la chasse aux sorcières et aux diseuses de bonne aventure.
SCENE DE L’INQUISITION
Les grandes dates de l’Inquisition
1184
Mise en place de l’Inquisition qui trouve son origine dans un décret du Concile de Vérone relatif aux hérétiques de Lombardie.
1233
La sorcellerie assimilée à l’hérésie, le Pape Grégoire IX confie aux Dominicains, le soin de pourchasser les hérétiques en utilisant la répression et en multipliant les bûchers.
1252
Apparition des tortures pour obtenir l’aveu des inculpés.
1326
Vivant dans la crainte des poisons et sortilèges, le Pape Jean XXII promulgue la bulle « Super Illius Specula » qui fait de la sorcellerie une hérésie. Pratiques magiques, sorcellerie et hérésie désormais ne font plus qu’un.
1582
Parution (à Paris) de l’ouvrage « La Démonomanie des Sorciers » écrit par Jean Bodin. Véritable code pénal des sorcières, cet ouvrage, aussi nommé « Fléau des Démons et des Sorciers », se compose de quatre livres traitants de la divination des démons, de la définition des sorciers et des moyens diaboliques qu’ils utilisent, de la recherche de « ce qu’est la magie », des moyens de protection pour empêcher les maléfices, des moyens de reconnaître les sorciers, de faire la preuve du crime de sorcellerie et des moyens de tortures à employer.
1692
Procès des sorcières de Salem.
1781
Date à laquelle, le dernier bûcher fut allumé en Espagne.
LES JEUX POPULAIRES…
Quelques jeux populaires des XVIe (Tarot de Catelin Geofroy) et XVIIe siècles (tarots de Jacques Viéville, Jean Noblet (1650) et (« anonyme parisien ») imprimés par gravure sur bois et mis en couleur au pochoir, sont parvenus jusqu’à nous.
TAROT DE JEAN NOBLET
Jusqu’au XVIIe siècle (1680), l’iconographie est chrétienne et à partir du XVIIe siècle, l’iconographie a été influencée par l’astrologie et l’alchimie.
NICOLAS CONVER
En 1760, Nicolas CONVER grava le plus célèbre et le plus respecté des jeux anciens de Tarot de Marseille repris sur des documents originaux du XIIe siècle, créé à l’époque de l’Abbé Suger. La mise en couleur au pochoir compte six teintes (sans compter le trait noir). Le trait noir imprimé par procédé xylographique à partir d’un moule en bois de poirier n’a jamais été changé jusqu’en 1880. C’est donc certainement le Tarot ancien qui fut le plus imprimé de tous…
TAROT DE NICOLAS CONVER DE 1760
COURT DE GEBELIN
A la fin du XVIIIe siècle, Antoine Court de Gebelin, s’inscrivant dans le courant de la Franc-maçonnerie naissante, affirme que le Tarot exprime une connaissance cachée par les anciens, issue de l’Égypte pharaonique.
COURT DE GEBELIN
TAROT D’ANTOINE COURT DE GEBELIN
Le XIXe siècle renforcera cette approche du Tarot pour lui conférer un caractère divinatoire et ésotérique de plus en plus affirmé.
L’ERE INDUSTRIELLE
L’édition de 1880 du Tarot de Marseille marque un tournant dans l’histoire de la tradition du Tarot. Il s’agit du jeu de Nicolas Conver (1760) dont les couleurs ont été modifiées.
L’apparition des machines industrielles vers 1880 ne permet plus d’imprimer que quatre couleurs au maximum, ce qui contraint à modifier les couleurs du jeu de Conver dans une édition spéciale adaptée aux nouvelles machines. On ne retrouve plus que le rouge, le bleu, le jaune, le noir et très peu de vert dans l’édition Camoin de 1880 et tout est inversé ou presque.
Ce changement va influencer tout le XXe siècle qui copiera mécaniquement de près ou de loin ces couleurs. Malheureusement pour les tarologues qui crurent que ces couleurs avaient une valeur initiatique, elles n’avaient en fait plus rien à voir avec la Tradition ésotérique et alchimique du Tarot de Marseille.
Paul Marteau publia un jeu en 1930 dans lequel il copia les couleurs de ce jeu en les ajoutant sur un Tarot de Besançon. Il écrivit un livre dans lequel il tentait d’expliquer la valeur initiatique des couleurs. Par cette erreur monumentale qui fut la sienne, il induisit en erreur des milliers de Tarologues du XXe siècle dont certains écrivirent même des livres expliquant le Tarot de Marseille avec ces couleurs ou les enseignèrent à des élèves. On était alors parvenu au comble du ridicule.
Je le répète. Ces couleurs bleues, jaunes et rouges n’ont aucune valeur initiatique.
À LA RECHERCHE DE L’AUTHENTICITÉ.
Évidemment, aujourd’hui nous en sommes à l’heure de la recherche d’authenticité et de « conformité »… Et c’est une noble tâche que de vouloir retrouver les origines du Tarot et s’efforcer de lui rendre ses lettres de noblesse… Mais en vérité, tous les « Tarots de Marseille » dont les 22 Arcanes majeurs respectent l’ordre et le sens des 22 archétypes sont des Tarots à la magie effective qui permettent la divination. Même sans couleurs !
À ce jour, le « Tarot Ben’Dov » dit Tarot « CBD » (parut en 2010), nous propose la plus accomplie de toutes les rénovations tentées sur le Tarot de Nicolas Conver. C’est un de mes tarots préférés entre tous ! Loin devant Camoin et Jodorowsky, qui ont à mon goût rajouté trop de choses sur ce Tarot qui ne ressemble plus trop à l’authentique, avec quelques changements de couleurs donnant un décalage vis-à-vis des cartes d’origines.
Petite évolution en visuel
Le Tarot de l’Abbé Suger comporte de nombreux codages qui ont été aujourd’hui à jour grâce à Nicolas Conver et repris par la suite par d’autres Maitres cartiers. Beaucoup de découvertes y ont été faites et grâce au scanner et à l’informatique tout un travail de décodage a pu être effectif.
Les nouvelles techniques d’impression par ordinateur nous ont permis de donner aux traits et aux couleurs du Tarot de Marseille une précision jamais atteinte jusque-là.
Depuis quelques années j’ai travailler avec d’autres Tarologues sur le mise a jour des couleurs authentiques avec toutes sa symbolique d’origine.
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2014