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L’homme à la découverte de son âme

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« Avoir une âme, c’est l’aventure de la vie. » (C.G. Jung)

L’homme moderne, noyé dans de fausses idéologies collectives, désorienté par un manque de valeurs auxquelles se raccrocher, a oublié qu’il avait une âme. Il recherche désespérément en dehors de lui quelque chose qui puisse l’animer, le rendre vivant. Les sectes et autres charlatans de tout bord, fabriquants de bonheur préfabriqué, l’ont bien compris. C’est pourtant en lui qu’il pourrait chercher à retrouver le contact avec les forces inconscientes qui l’animent, en se confrontant avec elles.

Voilà, en substance, le message de Jung. Un message d’une étonnante actualité dans une époque sursaturée de rationnalité et engluée dans l’instant présent.

Une psychologie de la créativité

homme_decouverte_ameLa psychanalyse jungienne est d’abord, comme son nom l’indique, une démarche psychanalytique, au sens classique du terme, en ce sens qu’elle se fonde sur le pouvoir créateur et libérateur de la parole. Au-delà du passé, qui reste révolu pour chacun, un recours est possible à travers la parole dans cette relation particulière qu’est la relation analytique, où la personne qui écoute reste neutre. Parler à un ami ou à un proche ne suffit pas, il faut, pour qu’un changement puisse s’amorcer, que l’on s’adresse à un inconnu. La distance analytique est donc avant tout une distance de respect.

Entreprendre une analyse, c’est accepter que nous sommes agis par des forces en nous que nous ne contrôlons pas. Il s’agit d’oser regarder notre part d’ombre, replonger dans le puits du passé et affronter les blessures de notre enfance. Deux verbes peuvent caractériser une analyse jungienne : se confronter à l’inconscient et en décrypter le sens.

Le message de Jung est que, pour peu que nous acceptions de regarder à l’intérieur de nous, un changement est possible. Selon lui, l’inconscient contient des forces vives qui permettent un processus dynamique de transformation de la personnalité. Jung nomme ce processus individuation.

C’est d’ailleurs parce qu’il a souligné cette dimension « prospective » de l’inconscient que Jung a dû se séparer de Freud. Pour Jung, il existe chez l’homme une aspiration profonde à retourner dans la matrice de l’inconscient pour y vivre une sorte de « re-naissance » intérieure. Cette aspiration comporte une dimension spirituelle. Jung insiste donc sur un dynamisme de transformation et de création présent dans la psyché humaine.

Marie-Louise Von Franz, dans son livre « La délivrance dans les contes de fées » (voir la bibliographie), résume de façon éclairante la spécificité de la démarche jungienne: « La plupart des écoles psychologiques contemporaines », écrit-elle, « élaborent leur théorie de l’homme à partir d’un présupposé tacite qui prétend savoir ce qu’est la maladie psychique et connaître les règles ou les critères collectifs de la normalité humaine. Il s’insère de ce fait un élément de manipulation plus ou moins important dans l’ensemble des thérapies médicales (…) A l’opposé de cette façon de voir, la thérapie selon C.G. Jung pourrait être qualifiée d’ »homéopathique ». En effet, nous ne pensons pas savoir ce qui est bon pour le patient; en revanche, nous faisons confiance aux tendances naturelles d’autoguérison de la psyché. C’est pourquoi cette thérapie porte toute son attention sur la compréhension de ces forces d’autoguérison et s’efforce de les favoriser, sans plus. Toutefois, nous ne saurions comprendre ces tendances de l’âme vers la guérison sans arriver à « déchiffrer » le langage onirique par lequel s’exprime la nature psychique. Cela représente un travail ardu auquel Jung a consacré toute sa vie et toute son oeuvre. »

Une recherche du sens

Deux verbes peuvent caractériser une analyse jungienne: se confronter et dégager le sens.

Se confronter à l’inconscient, c’est accepter que ses contenus nous dirigent à notre insu. C’est ensuite entrer en dialogue avec eux. Comme le dit un proverbe, s’il faut un jour rencontrer le diable, autant l’avoir en face de soi à sa table que dans le dos… car il risque moins de nous jouer de mauvais tours ! Ne pas comprendre pourquoi on souffre est parfois plus pénible que la souffrance elle-même. La démarche jungienne vise à dégager le sens de la souffrance.

S’ouvrir au changement

Pour Jung, la névrose est avant tout une désunion avec soi-même. Mais elle porte en elle une tentative de guérison. En effet, la souffrance (une dépression par exemple) ne revêt pas seulement des aspects négatifs, mais constitue souvent, à y regarder de plus près, une invitation au changement, à l’élargissement de nos horizons, une sorte de passage obligé à une métamorphose de la personnalité (un peu comme la chenille passe par la chrysalide avant de devenir papillon). L’inconscient met ainsi en œuvre un processus de transformation capable de briser le cercle infernal de la répétition.

Il existe donc au sein de l’inconscient humain des forces d’auto-guérison et de transformation. Jung a nommé ces forces « organisateurs inconscients » ou « archétypes ». Pour bien marquer que ces structures sont une caractéristique de l’humain, il parle d’inconscient collectif.

A titre d’exemple, l’archétype pourrait se comparer à la structure de base d’un cristal, qui est la même pour tout cristal (système axial particulier), alors que chaque cristal est différent, tant par sa couleur que par sa forme.

Les archétypes ou dynamismes inconscients peuvent constituer un recours, quand les structures personnelles font défaut (quand il y a eu très tôt dans la vie des carences importantes sur le plan affectif). Ils sont alors capables de réparer et de relancer. D’où leur intérêt clinique, auquel Jung s’intéressa beaucoup, ayant été amené, au cours de sa carrière de psychiatre, à soigner de nombreux cas difficiles.

Comprendre ainsi le psychisme humain ouvre de nouvelles perspectives pour une psychanalyse respectueuse de l’âme, proche d’un « art d’accoucher », qui ne se fait jamais sans douleur mais est porteur de vie et d’espoir.

Et en pratique ?

La psychanalyse jungienne ne s’adresse pas seulement aux névroses, aux dépressions, aux troubles psychosomatiques. Elle s’adresse aussi à toute personne « en recherche », désireuse de se comprendre ; à toute personne qui souffre à l’intérieur d’elle-même d’un sentiment de vide, pour qui la vie a perdu sa saveur. Et ceci sans limitation d’âge.

L’approche jungienne se caractérise par une attention toute particulière portée à l’analyse des rêves.

Les raisons d’entreprendre une analyse sont multiples, mais le plus souvent, c’est la prise de conscience de vivre un enfermement dans des choses qui se répètent, invariablement, selon les mêmes scénarios, sans que l’on puisse les changer (par exemple échecs sentimentaux ou professionnels répétés). Ne pas comprendre pourquoi l’on souffre est parfois plus douloureux encore que de souffrir.

Dans l’analyse jungienne, le thérapeute ne reste pas silencieux, il s’implique, tout en restant à distance. La transformation liée à la rencontre thérapeute-patient est semblable à une transformation chimique où les deux corps en présence se combinent. Jung a employé à ce sujet une image alchimique.

L’utilisation du divan est fréquente mais pas indispensable. La fréquence des séances varie de 1 à 2 par semaine. Comme toute thérapie visant à un changement en profondeur, elle s’envisage dans un relatif long terme, mais il n’existe pas de règle générale à ce sujet, chaque analyse étant différente.

Cette plongée dans le monde intérieur, angoissante mais ô combien porteuse d’espoir, Jung en a fait le premier l’expérience, sans guide ni repères. Il raconte dans son autobiographie (« Ma Vie » chez Gallimard) combien elle fut à la fois remuante et riche de sens.

En guise de conclusion

Laissons Jung lui-même conclure ce bref aperçu: « la pratique médicale est, et a toujours été, un art. Il faut en dire autant de l’analyse. L’art véritable est créateur, et ce qui crée est au-delà de toute théorie. C’est pourquoi je dis à tout débutant: « Apprenez les théories aussi bien que vous le pourrez, mais laissez-les de côté dès que vous toucherez les merveilles de l’âme vivante. Ce ne sont pas les théories, mais votre personnalité créatrice qui sera décisive ».

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